Dans le cadre des rencontres du BtoB Summit 2020, Bertrand Dosseur a eu le plaisir d’accueillir Pejman Gohary, Chief Data Officer de Bpifrance. L’occasion d’engager l’échange sur les possibilités offertes par la data pour les organisations, la place des producteurs de données et les perspectives de l’IA.
1ère partie
Le Chief Data Officer, chef d’orchestre et garant de la stratégie Data de l’entreprise
BD : Qu’est-ce qu’un « Chief Data Officer » ?
PG : En bon français, c’est un « Directeur de la data », et de plus en plus « data et IA », tant les deux mondes sont très rapprochés. Le Chief Data Officier, c’est un facilitateur, un accélérateur ; il est là d’un côté pour faciliter la transformation, la digitalisation de l’entreprise, et, de l’autre côté, il a une casquette régalienne parce que derrière la donnée, il y a une responsabilité éthique. Le CDO doit s’assurer de la façon dont ces données sont gouvernées, comment elles sont opérées, comment les piloter au sein de l’entreprise. Sa mission, c’est comment faire pour que ce « contrat de service » autour des données soit bien respecté. Voilà les 2 faces d’une même pièce, pour que la donnée soit un actif qui joue pleinement son rôle au sein de l’entreprise, tant pour l’ensemble de l’écosystème, que pour le marketing et les ventes.
BD : De fait, quel est son rôle auprès de fonctions métiers comme le marketing ou les ventes ?
PG : Le CDO est au centre du village ; on parle à ce propos de l’entreprise data-driven. Dans une entreprise data-driven, la donnée est au cœur du dispositif et elle va servir l’ensemble des usagers de l’entreprise dans une vision 360. Les équipes marketing et commerciales vont également pouvoir engager des actions de plus en plus pertinentes en termes de propositions commerciales, offrir exactement ce dont les clients ont besoin. Derrière ça, il faut identifier quelles sont les données qui peuvent permettre de proposer le meilleur service aux clients par rapport à ses attentes, tout ce qui permet de le connaître. C’est fondamental de connaître l’ensemble des interactions avec le client : ce client peut être un prospect, un ancien client avec qui on aura peut-être de futures relations…
BD : Quels sont les challenges auxquels les entreprises sont confrontées et pour lesquels le CDO peut apporter des réponses ?
PG : A travers les échanges que l’on peut avoir avec les autres Chief Data Officers, peu importe la taille des entreprises, l’un des points importants sur lequel on essaye d’apporter une vraie réponse, c’est la digitalisation. S’il restait un moindre doute sur le fait qu’il fallait y aller, la digitalisation est là ; et je dirais que ceux qui y sont allés de manière plus ferme et plus agressive dans leurs produits, dans leur interface client, en récoltent aujourd’hui les fruits. On le voit bien à travers le confinement, tout ce qui nous a permis d’être en télétravail. Les entreprises qui ont parié là-dessus ont une facilité à « dérouler ». On s’aperçoit que leur efficacité est encore plus importante, que le télétravail apporte une vraie efficacité du moment que l’ensemble de ces outils soient à disposition, dans une approche unifiée par les data.
Le « Data Hunting », l’art de débusquer les données
BD : De quelles données parle-t-on ?
PG : Les données de risque, comportementales, transactionnelles, les données internes, externes… il y a tout un écosystème de données indisponibles, plus ou moins disponibles, plus ou moins qualitatives. Comment faire le tri entre tout ça, comment identifier les grandes typologies ? Les fournisseurs de données sont un des acteurs clés de ce dispositif pour accélérer cette transformation. Chez nous, on a commencé à parler d’un profil appelé « data hunting », le chasseur de données, parce que justement on doit être très gourmand en termes de données, il faut tout « cruncher », on est très proche de la cuisine ! Il ne faut absolument pas se fermer de porte, il ne faut absolument pas avoir une vision court-terme. C’est parfois une des erreurs commise dans les entreprises « ancienne génération » ; les GAFA et les start-ups n’ont pas fait ces erreurs. II faut capter toutes ces données, modulo ce que le régulateur nous permet de faire, et imaginer quels sont les usages qu’on peut avoir autour.
BD : On parle de données structurées / non structurées ; quelle différence ?
PG : Je pense que la page est tournée, ce sera de toute façon tous types de données : la voix, l’image, tous types d’interactions qu’on aura avec le client que ce soit à travers les smartphones, que ce soit à travers la messagerie instantanée… il faut qu’on soit capable d’avoir l’exhaustivité des données d’interaction, voire dans les entreprises en général que l’on enregistre autant les succès que les échecs. Ces derniers, on les enregistre rarement. Quand un prospect devient client et que tout se passe bien, on va tout enregistrer, on va être impeccable, mais le prospect qui pour des raisons x ou y n’est pas allé jusqu’au bout de la démarche, dans ce cas-là, en général, très peu de données sont enregistrées. Or, si on veut déployer des solutions du type intelligence artificielle ou juste de simples statistiques, on a besoin d’avoir cette exhaustivité. C’est quelque chose qui était très peu mesuré en termes d’impact et à nouveau, que ce soient les start-ups ou les GAFA, ils partaient d’une feuille blanche, donc ils devaient se doter d’un maximum de données, y compris les données qu’on aurait pu considérer comme « rubish », des données à côté des processus.
Aligner l’organisation avec les data : le Data By Design
BD : Comment s’assurer que l’on est capable de capter ces données le plus en amont possible des processus ? Comment les données peuvent contribuer à l’optimisation opérationnelle des organisations ?
PG : Tous les CDO mettent en place un protocole qu’on appelle « Data By Design ». Par défaut, on bâtit un processus de captation et de gestion des données pour qu’on soit capable de dire instantanément de quel type de données il s’agit, pour quel type d’usage… On doit pouvoir déterminer le lignage de ces données, la granularité et la traçabilité qui va bien pour pouvoir le prouver. Ces données peuvent nous informer sur notre capacité à mieux travailler mieux engager, mieux corriger peut-être les processus métier, les business process au sein des organisations : comment est-ce qu’on est entré en relation avec un client, combien de temps ça a duré, la phase d’onboarding, combien de temps ça a pris pour que le client puisse acheter le produit en question, par combien de canaux il est passé, combien de fois il a dû interagir, s’il est passé par la téléphonie, par le mail, par l’interface digitale, s’il est revenu par mail… ? Toutes ces informations sont sous-estimées en général, et pourtant c’est très important, d’être capable d’améliorer ces processus. Avant, on devait mettre 48h pour proposer l’offre et clôturer l’affaire, on est arrivé à plus de 13-14 jours… que s’est-il passé ?
Episode #2 disponible ici :
L’avenir appartient à ceux qui enrichissent leurs data
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Data lover ? Découvrez le replay : la data, le cœur de la vision client 360