Dans le cadre des rencontres du BtoB Summit 2020, Bertrand Dosseur a eu le plaisir d’accueillir Pejman Gohary, Chief Data Officer de Bpifrance. L’occasion d’engager l’échange sur les possibilités offertes par la data pour les organisations, la place des producteurs de données et les perspectives de l’IA.
#2ème partie
La Third Party Data au secours de la vision 360
BD : Qu’est-ce que la donnée externe, produite par des spécialistes, peut apporter ?
PG : Je mets au défi l’entreprise qui se dirait capable d’affirmer : « moi toute seule comme une grande, sans dépendre de quiconque, je suis capable de m’auto-gérer sur la qualité et la quantité de données nécessaires à mon business. » Effectivement, la contribution de l’open data est venue accélérer les choses, ainsi il y a beaucoup de données aujourd’hui disponibles. Certains acteurs publics commencent à mettre leurs actifs à disposition pour que ces données soient utilisées. Malgré tout, il faut faire un peu comme l’aïkido ; dans le monde dans lequel on vit, il n’est plus possible de travailler tout seul ; on ne peut pas dire « j’ai les meilleurs data-scientists, c’est bon, je sais m’en sortir… ». C’est peu probable !
BD : Avec toutes ces Data disponibles, quel intérêt a-ton de s’appuyer sur des fournisseurs de données ?
PG : On a besoin de s’appuyer sur des acteurs clés dont c’est le cœur de métier, cherchant les informations essentielles dont les entreprises ont besoin, les qualifiant. Ils vont tous les jours explorer de nouvelles données qui vont apparaître. Une donnée est amenée à vivre, une donnée n’est pas une espèce de constante que l’on a capté à partir d’un certain temps et considérer que « la messe est dite »… Il y a toujours des nouvelles sources d’information, de nouveaux médias qui arrivent, de nouvelles manières de qualifier de l’information… c’est un terrain qui reste encore à explorer c’est encore un peu le far West Américain, il y a encore un long chemin, ça donne encore quelques perspectives pour aller chasser de nouvelles sources de données, ouvertes entre autres par la puissance publique mais pas uniquement. Et la question c’est maintenant d’apporter de la valeur aussi et de la stabilité dans ces données pour alimenter de façon dynamique les processus.
Du « quickwin » à la culture Data
BD : Comment faire en sorte que chacun puisse s’emparer de ces problématiques ? Quels sont les « quick-wins », les étapes à franchir pour pouvoir opérer réellement cette vision Data-driven pour le moyen et le long terme ?
PG : Se fixer un cap ! La question de la destination ne se pose plus, la question de se centrer sur la donnée ne se pose plus, ce chapitre doit être clos pour passer à un nouveau chapitre : comment mettre en place cette stratégie Data-driven par petits pas ? On se fixe le cap et on gagne par petits pas ; il faut se fixer des ambitions fortes, mais un programme pluriannuel de X années, c’est pas possible, c’est vraiment par petits pas ; On rentre par la stratégie de l’usage de la donnée : d’abord c’est « connais ta donnée », et ensuite, quel est l’usage associé à cette donnée, et à partir de là, comment je vais la capter, comment je vais procéder ? Une fois que vous avez des équipes agiles qui sont programmées pour faire ça de manière assez itérative, on va pouvoir commencer à structurer.
BD : C’est quoi les moyens humains derrière ? Est-ce que c’est à chacun de s’emparer de ces problématiques là où est-ce qu’il faut réellement des profils très Data ?
PG : Il n’y a pas une seule réponse bien sûr, mais c’est clairement un nouveau rôle qui est apparu dans le paysage endossé par le CDO. Il est vital parce qu’il a le cerveau branché d’un côté sur la réglementation (comment les données doivent être gérés comme actifs de l’entreprise pour ne pas générer plus de dettes) et comment de l’autre côté comment je vais faire vivre cet actif pour que ça réponde aux usages ; c’est un orchestrateur le Chief Data Officer ! La question, c’est comment l’entreprise va s’organiser pour avoir cette stratégie Data-driven ? Le pire des scénarios, c’est de dire « j’ai recruté un Chief Data Officer, ça y est ça y est j’ai fait le job » ! Non, c’est à l’entreprise de s’organiser et de comprendre que tous les acteurs sans aucune exception sont concernés, il n’y a pas de débat, il n’y a pas un seul acteur qui doit penser que la donnée n’est pas importante. La question, c’est comment on s’organise autour de ça ? Et le rôle du CDO, c’est comment orchestrer tout ça, que ce soient bien sûr les acteurs mais aussi l’organisationnel et les process ? Finalement, tout le monde détient une petite partie de cet ensemble.
BD : Le processus, l’organisation… est-ce suffisant ?
Evidement non ! Le sujet majeur, le mot qui se cache derrière tout ça, c’est la culture. Est-ce que cette culture de la Data existe-t-elle dans l’entreprise ? C’est très concret : est-ce que les décisions vont s’appuyer sur la donnée ? Je ne vais pas m’appuyer que sur des experts comme ça se faisait avant ? C’est très bien les experts mais on voit bien aujourd’hui, dans le monde qui s’ouvre en mode digital, que ce n’est pas possible de mettre un expert derrière chaque sujet. La décision doit donc s’appuyer de plus en plus sur la donnée. Par la suite, l’ensemble de l’entreprise est obligé d’améliorer la qualité de ces données, d’aller chercher des données dont on a besoin pour que la décision soit la plus juste possible. Et là l’expert prend toute sa place. Une fois que j’ai l’ensemble de ces sujets, je vais me concentrer sur ce qui est vraiment le plus stratégique, le plus vital pour l’entreprise,« je suis dans une logique quasi-temps réel, ça permet de raccourcir les temps décisionnels ». On a une capacité à avoir des feedbacks quasi instantanés. Ce n’est pas forcément le cas de toutes les industries bien sûr, mais c’est cette logique d’accélération de la décision via un feedback qui permet d’augmenter la qualité des processus et de diminuer les erreurs humaines, les erreurs de fatigue et d’inattention…
BD : On parle donc essentiellement d’aide à la décision ?
PG : L’expert ne peut pas gérer tout ça en même temps. Il doit pouvoir se concentrer sur ce qui est important. Là où les algorithmes ne peuvent pas décider mais prioriser, on se rend compte que derrière les algorithmes ce sont que des lois statistiques et mathématiques qui se cachent. Sur 1000 dossiers, il y a peut-être 95 % qui s’engagent toujours de cette manière, je peux donc automatiser le travail et soulager cette partie pour pouvoir prioriser. Je peux me concentrer, je vais me focaliser là où il y a le maximum de valeur, ce n’est pas l’algorithme qui décidera. C’est un vrai travail de réorganisation de l’entreprise, c’est un travail de confiance que d’installer cette culture, cette confiance dans la donnée, avec l’orchestration idéale pour que tout ça commence à prendre sa place.
IA & Data, c’est déjà là !
BD : Qu’est-ce que tu dirais aujourd’hui, avec le recul de ces dernières années, de l’IA ? Dans quel compartiment du jeu, pour faire quoi ?
PG : On a pu entendre beaucoup de choses autour de ces sujets, et on attend toujours un peu le grand soir.Il y a une IA qui va arriver qui va faire je ne sais quoi à la place de je ne sais qui… la réalité, c’est que c’est déjà là ! Moi qui ai démarré dans les salles de marché, c’était déjà présent, les lois mathématiques, on les appliquait déjà pour prendre des décisions prémâchées. Je suis persuadé que derrière EXPLORE, si je double-clique, je ne vais pas retrouver que des hommes et des femmes, mais aussi des algorithmes qui vont aller cruncher, identifier, mettre en qualité, indexer avec quelques stats… On le ressent quand on vient consommer les données de Data provider, ça se voit tout de suite ceux qui ont commencé à mettre en place de l’IA derrière. Ils ne vendent pas de l’IA mais de la donnée valorisée. L’IA est déjà absorbée, déjà intégrée dans énormément de systèmes de fournisseurs qui nous amènent la meilleure solution. A moyen terme, l’IA sera totalement intégrée, cachée dans nos systèmes, comme c’est parfois déjà le cas. Après, on pourra toujours avoir des fantasmes entre Alexa ou Siri… des interfaces un peu plus visibles ! La question, c’est bien sûr le sujet éthique, comment cette IA est bâtie, comment la donnée est gérée, est-ce qu’il y a cette traçabilité, cette confiance, son explicabilité ? Je dois savoir exactement ce qu’elle est capable de faire ou pas.
BD : Pour conclure… ?
PG : Il n’est jamais trop tard pour embarquer ! On apprend des erreurs des autres, il ne faut jamais se dire qu’aujourd’hui, ça y est je démarre trop tard. Au contraire, vous voulez aller dans le Cloud ? Tous ceux qui aujourd’hui sont partis dans le Cloud ont tellement appris de ce sujet. On ne va pas commettre les mêmes erreurs, on va revenir sur l’intelligence collective, ce n’est jamais trop tard.
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Quelle place pour les data provider et l’IA ?
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